Hommage à Anne Rice (1941-2021)

Anne Rice

Anne Rice est un royaume là où tant d’autres ne sont que des hameaux. Elle a tout simplement su réécrire Bram Stocker tout en donnant une âme aux vampires, comme une seconde vie. Cette renaissance des cœurs morts – même immortels – deviennent alors les nouveau-nés d’une aube sanglante.

Figés dans cette aurore obscure et ainsi coincés dans le temps, les créatures de la nuit se doivent par ailleurs d’être magnifiques et tous puissants : « Je m’en souviens parfaitement et cependant je ne me rappelle aucune aurore avant celle-ci. Je contemplais toute la magnificence de l’aube pour la dernière fois comme si s’eût été la première. Puis je fis mes adieux à la lumière du soleil et me disposais à devenir ce que je suis devenu. »

Dans sa série Chroniques des vampires, Anne Rice narre les aventures rocambolesques de Lestat, Louis, Armand et tant d’autres. Elle casse la légende de Vlad Tepes avec son ouvrage La Reine des Damnés (The Queen of the Damned), publié en 1990. Le tout premier est sans aucun doute le plus connu : paru en 1978, Entretien avec un Vampire (Interview with the Vampire) lui a valu une adaptation au cinéma. 

Vécu d’Anne Rice

Sur mon oreiller de pierre, j’ai rêvé du monde mortel

La première aurore d’Anne Rice se situe temporellement le 4 octobre 1941 à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Fille d’un professeur, sa mère l’a étrangement appelée Howard. De son nom de naissance, Howard Allen Frances O’Brien, la petite fille a une éducation catholique. Un de ses souvenirs veut que la fillette se renomme elle-même Anne lors de son premier jour d’école. En 1947, son prénom est officiellement changé, et Howard Allen devient Anne Allen.

Elle grandira ainsi dans sa ville natale, un hasard ? Peut-être pas car quand on y pense, au-delà de la période hérétique de l’esclavagiste, on retrouve une vie citadine pleine de culture, de racines du vieux continent et de légendes urbaines propices au vaudou. Or, Qu’est-ce que la Louisiane, bien plus loin et plus profond qu’une pseudo colonie ? Une part de notre hexagone. Dans les musées et les rues, on peut lire le braille historique français, on peut s’apercevoir de la beauté créole et finir sa nuit à rouler au milieu des bâtisses abandonnées.

Ce goût métissé, sucré et salé, c’est l’appétence favorite d’Anne Rice. D’autant plus ce que l’on pense en Louisiane, le nom de William Hjortsberg avec son récit, Le sabbat dans Central park, qui donnera plus tard le film fantasmagorique malsain Angel Heart. Par ailleurs avec elle, rien n’est un hasard : sa piété jadis en la sainte croix et au sang du Christ, sa dévotion pour son « maître » Bram Stocker, son amour pour la Nouvelle-Orléans. Tout est lié. Dans la probabilité où Anne ne serait pas devenue écrivaine, elle ferait éventuellement une démonologue efficace.

Échange avec la dame en noire

Au royaume des dents pointues, la reine de l’aube sanglante entame des études à l’Université du Texas pour femmes dans les années 60. A l’époque, elle décide de suivre son amour de jeunesse et vivre à San Francisco. En 1961, elle devient formellement Anne Rice.

Malgré sa première grossesse en 1966, elle parvient à rédiger le livre Entretien avec un vampire. Son univers se compose du bien et du mal (manichéisme catholique) uniquement sous le regard de Louis, un buveur de grand cru qui supporte mal sa seconde naissance. Lestat n’est pas le vampire que fut son géniteur puisqu’il spécifie bien à son  nouvel « enfant » qu’il lui donne le choix qu’il n’a jamais eu. En effet, enivrée de tristesse, elle perd sa fille (Michele Rice) – victime d’une leucémie – le

Mais « Dieu, dans sa miséricorde, est généreux ». En l’an 1978 alors que son travail porte ses fruits, elle donne naissance à un fils: Christopher Rice (Il sera inspiré par les écrits de sa mère et deviendra aussi écrivain). Selon son premier titre, on retrouve la trinité chrétienne : le père (Lestat), le Fils (Louis) et le Saint-Esprit (Claudia). C’est dans la douleur qu’elle a accouchée de ses premières inspirations. Lors d’une entrevue le 12 mai 1988 pour le People Magazine, elle confie : « Les écrivains écrivent sur ce qui les obsède », dit Rice. « Vous dessinez ces cartes. J’ai perdu ma mère quand j’avais 14 ans. Ma fille est morte à l’âge de 6 ans. J’ai perdu ma foi de catholique. Quand j’écris, l’obscurité est toujours là. Je vais là où la douleur est. »

Elle avouera par ailleurs plus tard en novembre 1994 pour la Premiere Magazine: « Michele s’est réincarnée en Claudia, la femme enragée enfermée dans le corps d’un enfant. Louis, c’était moi, dit Rice. « Cette personne sombre, sombre, mélancolique, arrachée à la foi catholique et tourmentée par la culpabilité, c’était moi. J’aimerais être Lestat : le moi qui souhaite, l’actif, le rêve, l’autre. Louis était le portrait plus vrai, autobiographique, de la personne en conflit, perdue et orpheline. C’est le sujet du livre. Il s’agit d’être orphelin. » Tout le monde se demande alors, Anne Rice serait-elle capable de pactiser avec le diable (Souvenez-vous d’Angel Heart, on y revient) afin de rendre la vie à sa fille ? Ou comment en perdant son enfant, elle a perdu sa foi religieuse.

Le véritable visage de la reine

C’est dans la chair que la sagesse prend racine

Dans la réalisation d’Alan Parker en 1987, Mickey Rourke fait face à un Robert De Niro qui sème des petits galets sur son chemin. Dans l’unique but que Harold S. Angel recouvre la mémoire afin d’honorer sa promesse d’antan. Bien que l’histoire débute à New-York, le reste du scénario se déroule à la Nouvelle-Orléans. Ici, vous n’auriez rien d’autre que de la magie vaudou, noyée avec le diable. Non, Anne Rice a tout simplement couché sur le papier ses propres démons. Contrairement au héros d’Angel Heart, ses motivations auraient pu être nobles. Mais elle n’en a rien fait et s’est contentée de devenir romancière.

Nous repartons depuis la naissance de son fils en 1978. Elle entame donc une nouvelle série, Chroniques de sorcières, la maison des Mayfair. En 1985, elle rédigera le second tome de sa Chronique des Vampires avec Lestat le Vampire. Trois ans après, elle écrira La Reine des Damnés. Cette série s’arrêtera en l’an 2001 avec Armand le Vampire pour reprendre en 2016 avec Prince Lestat ainsi que Prince Lestat et l’Atlantide en 2017. Vingt ans plus tard, elle retournera enfin à l’Église. En effet en 2010, elle se dit « écœurée » du catholicisme car l’église rejette les homosexuels. Or, Christopher Rice, son fils, est homosexuel. Depuis le décès de son époux, elle résidait en Californie où elle s’est éteinte le 11 décembre 2021.

Keyla
Keyla
"L'Ouverture d'esprit est la toile sans frontière du peintre, l'encre qui saigne sous la plume de l'écrivain, la mélodie muette du musicien qui compose. C'est un monument sacré, qui fait pulser le cœur de tous les artistes."

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